Par-delà l'oubli, d'Aurélien Cressely

C’est le destin oublié d’un homme d’honneur que retrace Aurélien Cressely dans son premier roman. Un Blum qui mettait le courage et le sens du devoir au-dessus de tout. Pas Léon, le célèbre dirigeant du Front populaire, mais René, son frère cadet. Durant la première moitié du XXe siècle, il est une personnalité incontournable du paysage culturel français.


Critique d’art pour La Revue blanche et le journal Gil Blas, éditeur de beaux livres, il devient ensuite directeur de théâtre et dirige même les Ballets russes de Monte-Carlo, une des plus grandes compagnies de danse au monde. René Blum est obsédé par les arts de la scène, qu’il découvre à 15 ans, émerveillé, aux Bouffes du Nord. Ami de Marcel Proust, il l’aide à faire publier Du côté de chez Swann chez Grasset. Une vie remplie de soirées, de rencontres, de voyages, de pièces de théâtre et de concerts… mais à l’issue tragique.

L’auteur croise de (trop courtes) bribes de la vie de René Blum avec le récit de ses dix mois de détention dans des camps d’internement français puis à Auschwitz, où il est pris à part et assassiné dès son arrivée en septembre 1942. De cette histoire – romancée mais nourrie de nombreuses recherches – transparaît surtout la droiture morale de René Blum. Montrer l’exemple, toujours. Ne jamais accepter de passe-droit. Défendre son nom, et à travers lui sa famille et son frère bien-aimés, de toute infamie. À Drancy, il est parmi les plus vieux prisonniers du camp, mais c’est lui qui remonte le moral des plus jeunes.

Dans un style d’une fluidité remarquable, Aurélien Cressely parvient à trouver les bons mots pour décrire le goût de la transmission de René Blum. Celui-ci veut faire découvrir au monde le ballet, cette quintessence artistique mêlant décors, costumes, musique et la grâce des danseurs. Même dans le cadre le plus mortifère, il anime des conférences sur l’art, éphémères échappatoires à la brutalité nazie. Par-delà l’oubli rappelle à quel point le beau est salutaire face à l’horreur, la peur et la solitude. Pour tenir, pour apaiser et, aujourd’hui, pour se souvenir.

Par Aurélien Tillier


Par-delà l'oubli, d'Aurélien Cressely, Gallimard, 168 p., 18.50€

Note de lecture publiée dans la Revue des Deux Mondes, décembre-janvier 2023



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