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Le mercredi 20 avril, sur TF1 et France 2, Emmanuel Macron et Marine Le Pen débattront pour la deuxième fois face à face. Une telle configuration ne s’était pas produite depuis quarante ans, en 1981, avec le duel entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing. Quels sont donc les enjeux de ce débat ? Le journaliste Franz-Olivier Giesbert, fin connaisseur de l’histoire politique de ces dernières décennies, revient sur cet événement singulier et décisif de l’entre-deux-tours.
Franz-Olivier Giesbert. Historiquement, les débats télévisés du second tour ont souvent eu un impact considérable. Ceux de 2007 et de 2012 n’ont pas changé la donne mais plutôt acté le sort des candidats. Nicolas Sarkozy avait un léger avantage sur Ségolène Royal, et François Hollande sur Sarkozy. En revanche, lors du débat de 1974, Valéry Giscard d’Estaing a indéniablement dominé François Mitterrand, notamment avec cette formule qu’il dit avoir improvisé mais que je crois qu’il avait préparé : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ». Mitterrand aurait pu gagner dès 1974 s’il avait réussi ce débat, mais il ne l’avait pas beaucoup travaillé.
Il a pu prendre sa revanche en 1981, avec sa propre petite formule, « Vous êtes l’homme du passif ». Là aussi, le débat a eu un grand impact et a renversé le rapport de force. Beaucoup ont dit que Mitterrand avait dominé Giscard ou qu’il avait au moins fait égalité avec lui. Quand on est candidat à la présidence, on ne peut pas prendre ces grands débats télévisés à la légère, ce serait une erreur funeste.
Cette année, je pense que le débat aura un impact important, d’autant plus que Marine Le Pen avait été écrabouillée en 2017 par Emmanuel Macron. Elle s’était littéralement écroulée et avait montré sa grande incompétence. Elle a depuis travaillé et ça s’entend quand on l’écoute. Elle connaît ses dossiers et va essayer de faire montre de compétence. C’est une vraie occasion de revanche ! Et il n’est pas sûr que Macron la domine comme en 2017…
Revue des Deux Mondes. Quels sont les enjeux respectifs de ce débat pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen, cinq ans après leur première confrontation ?
Franz-Olivier Giesbert. Pour eux deux, l’enjeu est énorme ! Emmanuel Macron doit rester au niveau de 2017 et battre Marine Le Pen. Celle-ci doit donner la preuve que sa contre-performance précédente était un accident passager et qu’elle peut faire beaucoup mieux. Si elle y parvient, cela aura forcément un impact dans l’opinion, parce que les Français étaient restés sur l’idée qu’elle ne faisait pas le poids face à Macron.
Revue des Deux Mondes. Quels sont les enjeux respectifs de ce débat pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen, cinq ans après leur première confrontation ?
Franz-Olivier Giesbert. Pour eux deux, l’enjeu est énorme ! Emmanuel Macron doit rester au niveau de 2017 et battre Marine Le Pen. Celle-ci doit donner la preuve que sa contre-performance précédente était un accident passager et qu’elle peut faire beaucoup mieux. Si elle y parvient, cela aura forcément un impact dans l’opinion, parce que les Français étaient restés sur l’idée qu’elle ne faisait pas le poids face à Macron.
Attention, il ne faut pas tomber dans l’excès qui consisterait à penser qu’une élection présidentielle se joue sur un débat télévisé. Mais il est clair que celui-ci accélère les choses et peut influencer, bloquer ou recréer la dynamique d’un candidat. On sait d’ailleurs l’importance des débats télévisés depuis très longtemps. Aux États-Unis, en 1960, il y avait eu ce débat où Richard Nixon, bon débatteur et largement favori, ne s’était pas rasé et avait une barbe naissante. C’était mal vu à l’époque et on s’était beaucoup moqué de lui en disant : « Aurait-on envie d’acheter une voiture d’occasion à quelqu’un comme ça ? » Cela avait joué dans sa défaite face à Kennedy.
C’est aussi dans des débats télévisés que se sont révélés Barack Obama et Donald Trump. Sans eux, ils n’auraient pas été élus. Les candidats jouent gros et c’est bien pour cela qu’ils se battent pour avoir des journalistes qui n’ont pas de problème personnel avec eux et des chefs opérateurs qui ne font pas des plans de coupe dévastateurs.
Revue des Deux Mondes. Marine Le Pen a annoncé qu’elle ne ferait plus de déplacements à partir de lundi midi pour se concentrer sur le débat. Comment les candidats s’y préparent-ils et Marine Le Pen peut-elle effacer sa prestation de 2017 ?
Franz-Olivier Giesbert. C’est une longue préparation. Les candidats doivent évidemment connaître leurs dossiers. Marine Le Pen semble bien mieux les maîtriser qu’en 2017. Surtout, il faut organiser de faux débats avec des collaborateurs qui jouent le rôle de l’adversaire. C’est ce que Mitterrand faisait en 1981 pour se préparer. Personnellement, je pense que l’élection est ouverte. Le débat n’est pas ce qui permettra à Marine Le Pen de remporter l’élection, mais si Emmanuel Macron le perd, elle aura une meilleure chance. Il y a un vrai enjeu, car les candidats s’adressent à tout le monde, mais veulent séduire certaines catégories d’électeurs. Marine Le Pen et Emmanuel Macron chercheront tous les deux à récupérer des voix parmi ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Le débat sera donc sûrement plus à gauche qu’on ne le pensait, notamment sur le pouvoir d’achat.
Revue des Deux Mondes. Qu’est-ce qui fait un bon débat de l’entre-deux-tours : un débat qui va au fond des sujets, qui dessine de grandes oppositions, qui donne place à de petites phrases marquantes ?
Franz-Olivier Giesbert. Le bon débat est un mélange des trois. Si on ne fait que du fond, les téléspectateurs auront tendance à bâiller, donc il faut aussi du catch. Les débats avec Giscard et Mitterrand étaient de grands moments, formidables à suivre ! Le débat de 1988 était également extraordinaire, d’autant plus que François Mitterrand mentait effrontément devant Jacques Chirac, c’était passionnant à regarder. Certes, les Français n’aiment pas beaucoup les petites phrases, mais en même temps une formule juste et bien placée peut avoir un impact énorme.
Lire aussi – Philippe Méchet : « Il faut redonner de la dignité à la fonction politique »
Revue des Deux Mondes. Qu’est-ce qui permet à un candidat de remporter le débat ?
Franz-Olivier Giesbert. Le professionnalisme, c’est-à-dire avoir l’habitude du débat, avoir du recul, ne pas être tendu ou désagréable, mais plutôt souriant, voire gentil. L’agressivité ne paye pas, contrairement à l’humour, qui est très important. Et évidemment, il faut montrer qu’on maîtrise les sujets.
Revue des Deux Mondes. Les candidats choisissent les présentateurs, le réalisateur, les sujets abordés. Le débat est-il vraiment un exercice journalistique ?
Franz-Olivier Giesbert. Pour les journalistes, c’est une sorte de légion d’honneur. Ça n’a pas tout à fait le même statut qu’autrefois, mais ça peut revenir ! C’est aussi un exercice avec beaucoup de pression pour eux, car le débat est très regardé.
Revue des Deux Mondes. Face à la montée des réseaux sociaux et à la baisse progressive des audiences pour le débat de l’entre-deux-tours, la télévision est-elle toujours un espace politique incontournable ?
Franz-Olivier Giesbert. Oui, mais ça ne va pas durer, car la télévision est attaquée. Je pense que dans nos démocraties, nous avons besoin de grands-messes, qui unifient les téléspectateurs, comme les journaux télévisés. Le débat de l’entre-deux-tours a cette fonction. Les gens se sentent un peu obligés de le regarder ou, au moins, d’en regarder des extraits. Le débat est ensuite très commenté et donne le ton de la fin de campagne. En 2017, Marine Le Pen n’était plus dans la course après le débat. Cette année, si elle le réussit, elle peut toujours l’être.
Revue des Deux Mondes. Marine Le Pen a annoncé qu’elle ne ferait plus de déplacements à partir de lundi midi pour se concentrer sur le débat. Comment les candidats s’y préparent-ils et Marine Le Pen peut-elle effacer sa prestation de 2017 ?
Franz-Olivier Giesbert. C’est une longue préparation. Les candidats doivent évidemment connaître leurs dossiers. Marine Le Pen semble bien mieux les maîtriser qu’en 2017. Surtout, il faut organiser de faux débats avec des collaborateurs qui jouent le rôle de l’adversaire. C’est ce que Mitterrand faisait en 1981 pour se préparer. Personnellement, je pense que l’élection est ouverte. Le débat n’est pas ce qui permettra à Marine Le Pen de remporter l’élection, mais si Emmanuel Macron le perd, elle aura une meilleure chance. Il y a un vrai enjeu, car les candidats s’adressent à tout le monde, mais veulent séduire certaines catégories d’électeurs. Marine Le Pen et Emmanuel Macron chercheront tous les deux à récupérer des voix parmi ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Le débat sera donc sûrement plus à gauche qu’on ne le pensait, notamment sur le pouvoir d’achat.
Revue des Deux Mondes. Qu’est-ce qui fait un bon débat de l’entre-deux-tours : un débat qui va au fond des sujets, qui dessine de grandes oppositions, qui donne place à de petites phrases marquantes ?
Franz-Olivier Giesbert. Le bon débat est un mélange des trois. Si on ne fait que du fond, les téléspectateurs auront tendance à bâiller, donc il faut aussi du catch. Les débats avec Giscard et Mitterrand étaient de grands moments, formidables à suivre ! Le débat de 1988 était également extraordinaire, d’autant plus que François Mitterrand mentait effrontément devant Jacques Chirac, c’était passionnant à regarder. Certes, les Français n’aiment pas beaucoup les petites phrases, mais en même temps une formule juste et bien placée peut avoir un impact énorme.
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Revue des Deux Mondes. Qu’est-ce qui permet à un candidat de remporter le débat ?
Franz-Olivier Giesbert. Le professionnalisme, c’est-à-dire avoir l’habitude du débat, avoir du recul, ne pas être tendu ou désagréable, mais plutôt souriant, voire gentil. L’agressivité ne paye pas, contrairement à l’humour, qui est très important. Et évidemment, il faut montrer qu’on maîtrise les sujets.
Revue des Deux Mondes. Les candidats choisissent les présentateurs, le réalisateur, les sujets abordés. Le débat est-il vraiment un exercice journalistique ?
Franz-Olivier Giesbert. Pour les journalistes, c’est une sorte de légion d’honneur. Ça n’a pas tout à fait le même statut qu’autrefois, mais ça peut revenir ! C’est aussi un exercice avec beaucoup de pression pour eux, car le débat est très regardé.
Revue des Deux Mondes. Face à la montée des réseaux sociaux et à la baisse progressive des audiences pour le débat de l’entre-deux-tours, la télévision est-elle toujours un espace politique incontournable ?
Franz-Olivier Giesbert. Oui, mais ça ne va pas durer, car la télévision est attaquée. Je pense que dans nos démocraties, nous avons besoin de grands-messes, qui unifient les téléspectateurs, comme les journaux télévisés. Le débat de l’entre-deux-tours a cette fonction. Les gens se sentent un peu obligés de le regarder ou, au moins, d’en regarder des extraits. Le débat est ensuite très commenté et donne le ton de la fin de campagne. En 2017, Marine Le Pen n’était plus dans la course après le débat. Cette année, si elle le réussit, elle peut toujours l’être.
Propos recueillis par Aurélien Tillier
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