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En annonçant la fin du « visa doré », le gouvernement australien délaisse les millionnaires au profit des étudiants étrangers et des travailleurs qualifiés pour compenser sa pénurie de main-d'œuvre.
Le port de Sydney, en Australie (© Phil Whitehouse, sous licence CC BY 2.0)
C’est une petite révolution que prépare le gouvernement australien. Les travaillistes, menés par Anthony Albanese, sont arrivés au pouvoir en juillet dernier, mettant fin à neuf ans de gouvernement libéral. Après avoir augmenté le salaire minimum et accru la lutte contre le réchauffement climatique, ils s’emparent désormais du système d’immigration et s’attaquent au « visa doré », qu’ils jugent inefficace pour l’économie du pays.
Mis en place en 2012, ce visa est attribué à tout individu qui s’engage à investir au moins cinq millions de dollars (AUD) dans l’économie australienne. Le « significant investor » (investisseur important) est alors autorisé à rester quatre ans en Australie et peut, à terme, obtenir plus facilement la citoyenneté australienne.
Ce ticket gagnant a été pensé pour attirer des capitaux étrangers en Australie et créer des emplois et de l’activité. Les millionnaires qui en bénéficient apporteraient également leur connaissance du monde de l’entreprise et des affaires, stimulant ainsi l’économie. Selon le ministère de l’Intérieur, 2 300 personnes ont obtenu ce visa jusqu’à présent.
Mais ces raisons ne sont pas convaincantes pour la ministre de l’Intérieur Clare O’Neil, qui a déclaré dans une interview à Sky News le 11 septembre dernier : « Je ne vois pas quels bénéfices ce visa apporte à notre pays actuellement. Je ne vois pas pourquoi nous devrions le conserver dans notre politique migratoire. »
Le visa doré est critiqué depuis plusieurs années pour des raisons morales – il serait injuste que l’accès au pays soit facilité seulement aux millionnaires – mais surtout économiques. La plupart des détenteurs de ce visa sont âgés et utilisent davantage les services publics, notamment l’hôpital, qui leur est gratuit. Ils finissent donc par coûter au contribuable plus qu’ils ne rapportent.
« Pour moi, il s’agit de personnes âgées qui achètent leur retraite en Australie », explique Abul Rizvi, un ancien haut responsable du Département de l’Immigration, au Financial Review. « Quand on regarde le montant de leur revenu et les taxes qu’ils paient, la différence est énorme, alors qu’ils ont accès pour le reste de leur vie à Medicare, l’assurance-santé publique ».
Les millionnaires plus jeunes sont aussi pointés du doigt : ils s’installent en Australie avec leur famille, inscrivent leurs enfants dans les écoles publiques, mais continuent souvent leur activité dans leur pays d’origine.
Preuve de son caractère controversé, même l’ancienne ministre de l’Intérieur, la libérale Karen Williams, ne s’est pas opposée à une réforme du visa doré : « Je suis tout à fait ouverte à ce que l’on regarde si ce visa est toujours utile plusieurs années après sa mise en place ».
Recherche travailleurs désespérément
L’annonce de la suppression du visa doré n’est pas une décision impromptue. Elle fait partie d’une réforme profonde de la politique migratoire de l’Australie, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale.
Depuis quelques mois, les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’ingénierie et de l’informatique manquent de bras et de cerveaux. Les salaires trop bas, le vieillissement de la population et la fermeture des frontières pendant deux ans pour enrayer la pandémie de Covid-19 ont entraîné des carences importantes, que les travaillistes veulent combler par l’immigration.
En septembre dernier, le gouvernement a rehaussé le nombre de visas à attribuer pour l’année 2023, qui passe de 160 000 à 190 000. « C’est un tournant aussi important dans notre histoire que le programme "se peupler ou périr", qui était le socle de notre reconstruction et de notre sécurité nationale après la Seconde Guerre mondiale », a affirmé la ministre de l’Intérieur.
Et le gouvernement ne compte pas attirer seulement des travailleurs qualifiés. Il cherche aussi à fidéliser des étudiants étrangers qui doivent retourner chez eux au bout de leurs études. Selon le ministère de l’Éducation, seuls 16% d’entre eux restent en Australie après leur diplôme. Avec cette réforme, les étudiants internationaux pourront travailler plus longtemps : quatre ans et non plus deux avec un Bachelor’s degree (licence), cinq ans au lieu de trois après un Master’s degree, et six ans plutôt que quatre après un PhD (doctorat). « C’est une pièce très importante du puzzle : nous avons des gens parmi les meilleurs du monde qui veulent vivre en Australie », s’est félicitée Clare O’Neil en marge d’un sommet sur le travail le 2 septembre.
Sarah, étudiante française en ingénierie au Royal Melbourne Institute of Technology, est ravie et rassurée de cette annonce : « Depuis toute petite, je rêve de vivre en Australie. Avoir la possibilité de rester cinq ans ici pour travailler m’aide à me projeter dans l’avenir. Je le vois aussi comme une marque de respect envers des étudiants étrangers qui contribuent à l’économie pendant leurs études et qui devaient repartir chez eux après ».
La réforme de l’immigration portée par le gouvernement n’est pas encore adoptée et suscite déjà critiques et jalousie. La cybersécurité, qui connaît elle aussi un besoin de main d’œuvre, déplore notamment de ne pas faire partie des secteurs prioritaires pour l’immigration qualifiée.
Aurélien Tillier
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