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En quelques années, plusieurs librairies militantes ont ouvert leurs portes à Paris, signe d'un nouveau besoin d’engagement. Cinq ans après #MeToo, la cause féministe semble susciter un engouement particulier.
La librairie militante féministe Majo, dans le 5e arrondissement de Paris (Crédit : Librairie Majo) |
Dans ces librairies parisiennes, les clients ne sont pas à la recherche du dernier best-seller. Souvent âgés d'une vingtaine ou d'une trentaine d'années, ils parcourent les quatrièmes de couverture et explorent les piles de livres pour trouver des ouvrages leur permettant de comprendre et d'agir sur le monde.
Parfois proches d'associations ou, plus rarement, de partis politiques, certaines librairies se revendiquent « militantes » et orientent livres et événements autour d'une cause. L'époque n'en manque pas, du féminisme à l'anticapitalisme, en passant par les droits LGBT et l'écologie.
Ces nouvelles librairies sont souvent le fruit de reconversions professionnelles. « On ne trouvait plus de sens à nos jobs, on n’était pas épanouies. Allier le travail à un projet qui nous portait était important pour nous », racontent Juliette Delain, 28 ans, journaliste, et Margot Lafeuillade, 29 ans, qui travaillait dans l’immobilier. En octobre, elles ont ouvert ensemble Majo, une librairie féministe, dans le Quartier latin.
Elles ne sont pas les seules. Flora Dupont-Chauvet, fondatrice de la librairie Flora lit, était documentaliste dans un collège. Nicolas Wanstok, lui, était diplômé de biologie avant de rejoindre la librairie LGBT Les Mots à la bouche. Question de génération : de nombreux trentenaires déçus de leur emploi veulent redonner du sens à leur travail.
Ce besoin d’engagement se reflète aussi chez les lecteurs. Antoine Detaine, 70 ans, un des gérants de La Brèche, la librairie du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), observe que la fréquentation augmente depuis quelques mois, « surtout pour des ouvrages marxistes, révolutionnaires, écologiques radicaux ou féministes ».
Ses ventes ont même augmenté par rapport aux années précédentes, bien que la librairie ait toujours besoin du soutien du parti, du syndicat Sud et d'associations pour survivre.
Antoine Detaine voit dans cette nouvelle demande une volonté de changement. « Les autres modèles ont fait faillite ! La guerre en Ukraine, les épisodes de chaleur, la crise sociale et économique... Un saut s’est opéré ces derniers mois et aggrave les problèmes de la société », soupire-t-il. Face aux tourments du monde, il est convaincu que cette librairie « exclusivement militante » est utile : « Elle nous permet d’être à l’écoute des mouvements sociaux. Les militants viennent nous informer, chose impossible dans une librairie classique. »
Antoine Detaine voit dans cette nouvelle demande une volonté de changement. « Les autres modèles ont fait faillite ! La guerre en Ukraine, les épisodes de chaleur, la crise sociale et économique... Un saut s’est opéré ces derniers mois et aggrave les problèmes de la société », soupire-t-il. Face aux tourments du monde, il est convaincu que cette librairie « exclusivement militante » est utile : « Elle nous permet d’être à l’écoute des mouvements sociaux. Les militants viennent nous informer, chose impossible dans une librairie classique. »
Le féminisme, nouvel axe
Ce regain d’intérêt pour la littérature militante passe surtout par le féminisme. Dans un monde post-#MeToo, plusieurs librairies veulent apporter leur pierre à l’édifice. C'est le cas de Majo, qui ne propose que des livres écrits par des femmes et affiche son activisme. Les fondatrices souhaitent ainsi organiser des clubs de lecture, des cercles de parole et des séances de formation et de prévention autour des violences sexuelles.Les premiers mois de Majo sont prometteurs. « Nous ne sommes que 500€ en dessous de nos prévisions pour la fin de l'année 2022 », confie Juliette Delain, qui a prévu de commencer à se verser un salaire au bout d'un an. « Le mois de décembre a été très bon, et on commence à se faire connaître », poursuit-elle.
Conscients qu’un tel engagement peut faire perdre des clients, d’autres libraires préfèrent rester généralistes, tout en mettant en avant une offre féministe. Flora Dupont-Chauvet, de Flora lit, l'assume : « On va recevoir des autrices engagées, participer au Festival des Fiertés, mais on reste une librairie de quartier, où chacun peut trouver son bonheur ».
Conscients qu’un tel engagement peut faire perdre des clients, d’autres libraires préfèrent rester généralistes, tout en mettant en avant une offre féministe. Flora Dupont-Chauvet, de Flora lit, l'assume : « On va recevoir des autrices engagées, participer au Festival des Fiertés, mais on reste une librairie de quartier, où chacun peut trouver son bonheur ».
Les librairies classiques commencent à emboîter le pas de ces boutiques combatives. « Les essais féministes et les sciences humaines prennent plus de place », reconnaît Elsa Pierrot, déléguée générale de l’association Paris Librairies. « Le militantisme ne passe pas que par la création de librairies, mais aussi par une évolution de l’offre dans les librairies traditionnelles ».
Des librairies militantes d’un nouveau genre
Si l’ouverture de librairies militantes peut surprendre, c’est parce qu’elles avaient presque disparu depuis les années 1980. À l’époque, l’appauvrissement du débat idéologique à gauche et les difficultés financières avaient conduit à la fermeture ou à la reconversion de nombre d’entre elles.Pour l’historien de l’édition Julien Hage, cette nouvelle génération n’est cependant pas comparable à la précédente : « Avant, les librairies militantes étaient affiliées à des organisations et mettaient toute leur activité à leur service ». Elles sont aujourd'hui plus indépendantes et émanent d'initiatives personnelles. D'autre part, ces lieux ne jouent plus le même rôle dans le débat d'idée. « L’époque des bagarres de rue devant les librairies est terminée ! », assure Julien Hage.
Plutôt que de « librairies militantes », le chercheur préfère parler de « pratiques militantes en librairie », qui s’expriment par les assortiments de livres et les rayons spécialisés. « Beaucoup de librairies sont politisées, mais ne sont pas militantes », ajoute-t-il. « Le marché du livre est très influencé par l’air du temps. » Reste à voir si cet engouement s’inscrira dans la durée.
Par Aurélien Tillier
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