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Crise de l’énergie, concurrence américaine, dissensions internes... Les tergiversations de l’Union européenne freinent la reconstruction de l’industrie française, mais l’Europe reste une échelle incontournable.
(Angel Bena / Pexels / CC0)
« Il faut agir de manière volontariste », a déclaré le président Emmanuel Macron le 19 janvier dernier au sujet de la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act (IRA). Pour l’instant, ces propos sont restés lettre morte.
En août 2022, le Congrès américain a adopté une loi visant – de prime abord – à lutter contre l’inflation. Mais cette législation contient une enveloppe de 370 milliards de dollars de subventions à l’industrie verte américaine. Les fabricants de batteries et de véhicules électriques, et les producteurs d’énergies renouvelables peuvent toucher des aides considérables.
Les consommateurs, de leur côté, sont aussi encouragés à consommer du fabriqué aux États-Unis. Un crédit d’impôt allant jusqu’à 7 500 dollars sera versé pour l’achat d’une voiture électrique produite sur le sol américain. Un coup de pouce important, mais limité : selon le Trésor américain, seule une voiture électrique sur cinq est concernée par ce crédit d’impôt.
Depuis son adoption, l’IRA fait grincer des dents en Europe. Considéré comme protectionniste, il pourrait attirer des industriels européens à la recherche de subventions. Les conséquences sur l’industrie européenne, déjà frappée par la crise de l’énergie, s’annoncent terribles.
« Nos premières estimations indiquent que ce sont 10 milliards d'investissements et des milliers d'emplois industriels qui sont en jeu », a averti le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en novembre dans un entretien aux Échos. Si aucune entreprise française n’a pour l’instant annoncé de délocalisation, les prochains mois seront décisifs.
Pour François-Joseph Schichan, consultant en affaires européennes au cabinet de conseil Flint Global, l’IRA est « une menace directe et existentielle » pour l’industrie du Vieux continent et la réponse de l’Union européenne est « insuffisante ». Emmanuel Macron plaide pour la création d’un large fonds de subvention, avec le soutien de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et du Commissaire au marché intérieur, Thierry Breton.
Mais l’UE a préféré assouplir les règles permettant aux États-membres d’aider eux-mêmes leur industrie. Une décision liée aux différences idéologiques au sein de l’UE, selon François-Joseph Schichan : « Les pays frugaux comme les Pays-Bas, l’Autriche ou les pays scandinaves sont très attachés au libre-échange et voient d'un mauvais œil l’idée d'une course à la subvention avec les Américains ».
La Commissaire à la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, défend cette position. « Une guerre à la fois », a-t-elle déclaré en référence à la guerre en Ukraine. Permettre aux États-membres d’aider eux-mêmes leur industrie n’est pas une mauvaise décision. Chaque pays peut ainsi mener une politique adaptée à ses structures industrielles. Mais ce mécanisme est temporaire et ne cible que certains secteurs précis liés au développement durable.
Échelon indispensable
L’Union européenne n’est donc pas à la hauteur pour protéger notre industrie et permettre la réindustrialisation. Mais l’échelle continentale reste nécessaire. L’UE représente un marché de 446 millions de consommateurs pour l’industrie française, plus à même de résister aux États-Unis et à la Chine, qui bénéficient respectivement d’un marché domestique de 331 millions et d’1.4 milliard de personnes.
L’UE constitue également un bloc important face aux deux géants, qui se livrent depuis plusieurs années une guerre commerciale. Aurélien Gohier, animateur du podcast Industry4good, voit aussi en l’Europe une possibilité de collaboration future avec le continent africain. « En 2050, l’Afrique comptera près de 2.5 milliards d’habitants. C’est le continent qu’il faut surveiller, y compris en matière d’industrie », explique-t-il.
Sans compter que des mesures utiles à l’industrie de la France ne peuvent être prises qu’à l’échelle européenne. En décembre dernier, l’UE a instauré une taxe carbone aux frontières, mais seulement pour les importations d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium et d’électricité. Une taxe similaire sur les produits finis serait primordiale pour protéger l’industrie française, qui respecte des standards sociaux et environnementaux bien plus élevés que les industries étrangères, dont on laisse entrer librement les marchandises.
Par Aurélien Tillier
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